
Porsche 356B Roadster “D’Ieteren”
Le malheur des uns…
Voici l’histoire d’une voiture devenue un mythe. Si nous en parlons aujourd’hui, c’est parce qu’elle est un peu belge.
Il y a 75 ans, un ingénieur autrichien installé à Stuttgart lance sa propre marque de voitures de sport, avec un modèle aujourd’hui entré dans la légende. Son nom est Porsche, celui de la voiture est 356.
Pas d’usine
La Porsche 356 est donc née en 1948 sous l’impulsion de Ferry Porsche. Dès sa première apparition, la 356 fait sensation et la commercialisation commence très vite, tant en version coupé qu’en version cabriolet. Problème: l’entreprise Porsche, qui était jusque-là un « simple » bureau d’ingénierie, ne dispose alors pas de lignes d’assemblage. La construction de la 356 est donc confiée à quatre entreprises de carrosserie: Weinsberg, Karmann, Drauz et Reutter.
La carrière de la voiture débute bien, et elle rencontre notamment un certain succès auprès du public américain, séduit par ses performances de haut niveau, sa simplicité et ses tarifs très abordables.
A l’aube des années 60, la Porsche 356 a déjà considérablement évolué. Son moteur est passé de 1.100 à 1.500 ou 1.600 cc, la puissance, initialement de 40 ch, va de 60 à 130 ch, la voiture a gagné en confort, en tenue de route, en fiabilité, en raffinement, a connu déjà connu diverses combinaisons de carrosserie et les ventes augmentent de façon exponentielle.

L’incendie
C’est là que le malheur des uns va faire le bonheur des autres. En 1961, un incendie ravage les installations de Drauz, qui construisaient exclusivement des 356 Roadster. Il fallait une solution de remplacement, et c’est chez D’Ieteren Frères que Porsche la trouve. A cette époque, D’Ieteren produit déjà dans son usine de Forest des Studebaker (depuis 1949), et des VW Coccinelles (depuis 1954). L’entreprise belge dispose de l’outillage, du savoir-faire et de la capacité de production. Porsche et D’Ieteren signent donc un contrat portant sur l’assemblage de 3.000 voitures (à une cadence de 10 véhicules par jour), destinées au marché américain.
Porsche fournit à D’Ieteren tous les éléments, bien que les panneaux de carrosserie arrivent moulés, mais non « dégrossis ». Il revient donc aux Belges d’assurer le travail de finition puis d’assembler les voitures, avant de les envoyer aux Etats-Unis.

Tableau de bord en cuir
Deux choses caractérisent les Porsche 356 « Made in Belgium ». D’abord, ce sont les seules dont le tableau de bord est habillé de cuir, comme c’est le cas de la voiture représentée sur nos images. Ensuite, elles sont d’une grande qualité, et ce pour une raison très… belgo-belge. En effet, contrairement aux routes asphaltées des USA ou d’Allemagne par exemple, les roues belges sont restées longtemps revêtues de nos bons vieux pavés, qui mettaient les automobiles rudement à l’épreuve. C’est pourquoi les usines d’assemblage du pays multipliaient les points de soudure bien au-delà des recommandations des constructeurs, au profit de la rigidité, donc de la longévité. Voilà pourquoi près de la moitié des 356 assemblées à Forest sont encore en circulation aujourd’hui. Mais cette moitié ne représente que quelques 300 voitures. Car malgré les prévisions de Porsche, les ventes de la 356 Roadster ne tardent pas à faiblir, la clientèle américaine lui préférant le coupé. Lancée en en 1961, la production bruxelloise de la Porsche 356 est prématurément interrompue en 1962, après 724 unités dont 10 seulement ont été vendues en Belgique.



Aller-retour
La voiture que vous avez sous les yeux est une 356B Roadster construite en septembre 1961, équipée d’un moteur 1.600 cc de 60 chevaux. Dès sa sortie des lignes, elle fut envoyée à un concessionnaire New-Yorkais et n’est revenue sur sa terre natale que récemment (achetée en 1987 en Allemagne). Les artisans de la D’Ieteren Gallery, où elle passe aujourd’hui des jours paisibles entre deux sorties, ont restauré la mécanique dans son état d’origine mais n’ont pas dû intervenir sur la carrosserie. Notez que la teinte d’origine était Reihergrau. Aujourd’hui, la voiture est bleu foncé (Albertblau), elle a été repeinte avant son arrivée à la Gallery en 1987.