
Interview Jean Boghossian : « Le feu est mon partenaire de danse. »
Jean Boghossian maîtrise le feu et la fumée comme peu d’artistes. Avec son chalumeau et d’autres instruments, il crée des œuvres incomparables. Avec le projet « Art on Cars », son art s’expose maintenant sur des Bentley et d’autres objets liés à l’automobile.
Propos recueillis par Maxime Pasture – Photos : Jean Boghossian & Yves Noël
Tout d’abord, quel est le titre des œuvres reprises sur les deux Bentley Art Cars ?
Untitled, car on respecte ainsi la vision de celui qui regarde l’œuvre, et on ne change pas son interprétation. S’il décide de voir la mer alors qu’on y voit la Lune, c’est son droit !
Qui a fait le choix de ces œuvres et pourquoi celles-là ?
C’est moi-même. J’ai choisi la sobriété pour la Continental GT V8 de route, et l’agressivité pour la Continental GT3 de course.


Comment pourriez-vous définir la particularité de vos œuvres ? Quelle est la signature de Jean Boghossian ?
Ma signature, c’est la recherche permanente. Je ne dis jamais « Eurêka, j’ai trouvé ! ». Non, je continue à chercher. Cette recherche a abouti au travail du feu. Et je peux être défini par le feu. Quelques artistes ont travaillé le feu mais, sans prétention, peu ont été aussi loin que moi. J’ai travaillé la cendre, sa préservation, des collages/brûlages, la fumée, la fumée en couleurs… J’ai vraiment cherché à amener quelque chose de nouveau dans l’histoire de l’art. Le travail du feu est parfois ingrat, car on se brûle. Il est très rapide. Le plus dur est de l’arrêter, pas de le lancer. Le feu est mon partenaire de danse. Je m’explique : sans le feu, je ne suis pas satisfait de mon travail et le feu, sans moi, n’aurait pas été aussi bien révélé. C’est le feu qui m’a choisi pour le représenter, le dévoiler sous de nouveaux angles. Une fois que j’ai commencé à travailler avec le feu, je pensais que j’en aurais fait le tour au bout de 6 mois. Mais pas du tout. J’ai commencé il y a maintenant 10 ans et j’apprends encore tous les jours.
Justement, comment avez-vous trouvé cette voie vers le feu ?
Avant d’être artiste, j’étais joaillier. Je travaillais les pierres précieuses. Les pierres viennent du volcan. Le volcan, c’est le feu. Je suis aussi passionné de céramique, également résultat du feu. Plus jeune, je fabriquais des bagues avec l’aide d’un chalumeau. Et il y maintenant 30 ans, en face d’une toile que je peignais, je me suis posé cette question : « Que se passe-t-il si je prends un chalumeau et que je l’approche de la couleur jaune ? » Il s’est alors produit des choses incroyables, des changements de couleur, du beige au noir, en passant par le brun. À quel moment la toile se troue-t-elle ? Je me suis posé plein de questions et j’ai testé divers instruments. J’adore maîtriser, avant tout, la fumée. Car de mon côté, je n’avais jamais vu de peintures avec de la fumée qui se diffuse sur des pigments.


Ça fait quoi de voir vos œuvres associées à une marque comme Bentley ?
Je suis fasciné par mon travail autant que je suis fasciné par Bentley. J’ai travaillé directement sur les casques et le capot exposés ici chez Bentley Brussels (interview réalisée le 16 juin 2022, NDLR), mais j’aimerais vraiment beaucoup travailler directement sur les voitures (pour les voitures, les œuvres ont été numérisées puis imprimées sur la carrosserie, NDLR).
Il s’agit là d’un nouveau merveilleux défi technique !
Bien évidemment. Mais même sur le capot et les casques, je peux vous assurer qu’il s’agissait déjà d’un beau défi technique.

Aviez-vous déjà imaginé de créer un jour une Art Car ?
Non mais je dois avouer qu’il y a 8 ou 10 ans, des partenaires avaient créé une Cadillac avec l’une de mes œuvres aux USA, et j’en avais été très honoré. Mais cette fois, j’aimerais vraiment réaliser le travail sur une Bentley, directement avec mon chalumeau. Si un client Bentley me le demande, j’en serais ravi.
La course et l’automobile sont des univers qui vous passionnent ou plutôt des découvertes ?
J’adore le design automobile mais, bien que je roule toujours à l’essence, je l’avoue : je suis sensible au bruit. J’apprécie donc beaucoup les véhicules électriques. Mais pour recharger quand on n’a pas de borne à domicile ou qu’on habite un immeuble qui n’est pas équipé, ça reste pour l’instant compliqué !

Retrouvez notre article sur les Bentley Art Cars ici.